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CAMPENON Edmé

(1872 - 1962)

Un talentueux autodidacte.

Issu d’une famille dont le père est officier de marine et l’oncle général et Ministre de la Guerre, Edmé Campenon naît le 27 décembre 1872 à Tonnerre en Bourgogne. Il était destiné à intégrer l’Ecole polytechnique, mais, après ses études secondaires, il préfère rejoindre l’armée comme simple soldat, puis parcourir le monde (Amérique, Japon, Chine). A son retour, il s’intéresse à des travaux de prospection minière et à des études de concessions de chemins de fer. Mais c’est seulement en 1910 qu’il rejoint l’entreprise de François Thévenot, principal entrepreneur de la Compagnie du Midi. Il travaille alors à l’aménagement de la vallée d’Arreau à Lannemezan, et aussi à la construction et électrification de lignes de chemins de fer dans le Sud de la France et en Normandie.

Sur le chantier du chemin de fer Soumont – Caen, il rencontre André Bernard, jeune ingénieur des Arts et Métiers, avec qui il fonde en 1920 à Albi, l’entreprise Campenon et Bernard. En 1922, elle devient “Campenon Bernard et Cie” et son siège est transféré à Paris.

Avec un capital de 2,75 MF, la société peut s’attaquer au secteur des barrages et des centrales hydro-électriques qui offrent alors des perspectives prometteuses. En 1927, l’entreprise décroche son premier grand projet : le barrage-poids du Chambon sur la Romanche, le plus grand barrage réservoir français de l’époque (90 m de hauteur et 294 m de longueur). Cette même année, Edmé Campenon transforme son entreprise en SA qui devient Entreprises Campenon-Bernard (ECB).

Alors que les travaux préliminaires de ce barrage commencent, André Bernard meurt, terrassé par une embolie. De plus, l’exécution des déblais fait apparaître d’importantes marmites glaciaires sous les alluvions. Edmé Campenon décide de relever le défi. Il engage Albert Collange comme directeur général et place Marcel Cuinier à la direction du chantier du barrage. Après ces débuts délicats, le chantier devient un véritable champ d’expérimentation avec l’élaboration de nouveaux bétons plus résistants. Les rendements de coulage de béton atteignent 1 000 m3/j, un record pour l’époque.

Le barrage du Chambon (© EDF - Chulliat)

Les années 1930 sont celles de l’expansion et de la consécration. A l’instigation de la Banque de l’Union Parisienne (BUP), Campenon Bernard reprend en janvier 1930 la société Dufour Constructions Générales au bord du dépôt de bilan et ses deux chantiers difficiles : le barrage  de l’Oued Fodda (1926-1932), en Algérie, arrêté depuis 1929 à la suite d’un incendie, et le tronçon de Rochonvillers de la ligne Maginot (1930-1934), l’un des lots les plus importants de la ligne Maginot.

En parallèle, le sauvetage de la gare maritime du Havre en 1934-35 par Eugène Freyssinet, qui y applique pour la première fois la précontrainte sur un ouvrage, attire l’attention d’Edmé Campenon. Le premier contrat de collaboration est signé en 1935. Les deux hommes enchaînent les chantiers : 44 km de conduite forcée au barrage de l’Oued Fodda, la surélévation du barrage Beni Badhel, les grands caissons des quais du port de Brest, même si l’accord définitif permettant à l’entreprise Campenon Bernard d’exploiter les procédés d’Eugène Freyssinet n’est signé qu’en 1940. Convaincu de l’universalité des applications de la précontrainte, Edmé Campenon décide de créer une structure spéciale pilotant le développement du procédé suivant les brevets de Freyssinet ; c’est ainsi que la Société Technique pour l’Utilisation de la Précontrainte (STUP) naît en 1943.

Si Edmé Campenon est membre du Conseil d’administration du Syndicat des Entrepreneurs de Travaux Publics de France depuis 1931, il en devient le vice-président entre 1942 et 1945. Pendant la guerre, l’entreprise Campenon Bernard continue son activité en Algérie et effectue en France des travaux de reconstruction et de déblaiement. Elle participe à des travaux pour le compte de l’armée allemande, qui vont représenter jusqu’à la moitié de son chiffre d’affaires en 1943, mais ce dernier est réduit du tiers par rapport à la période d’avant-guerre.

Après la guerre, Edmé Campenon va entreprendre la transformation de ECB en un groupe diversifié dans les domaines du génie civil et de la promotion immobilière. Pour cela il va s’appuyer avec l’aide de François Sarda sur une équipe d’ingénieurs de qualité : Marcel Lalande, Robert Pigeot, Pierre Lebelle, Jean Chaudesaigues, Jean Muller, … L’après-guerre voit la multiplication de chantiers de grands ouvrages d’art en France et à l’étranger pour Campenon Bernard et la STUP : les ponts en béton précontraint sur la Marne (1946-1949), le barrage de Ben-Métir en Tunisie (1947-1954), les trois viaducs de Caracas (1950-1953), les quais de Saïgon et La Plata (maintenant quai Hermann du Pasquier) au port du Havre (1949-1952), les centrales hydroélectriques de Vogelgrün et de Rhinau sur le Rhin, la basilique souterraine de Lourdes (1956-1958), le pont de Choisy-le-Roi (1962-1964), les réservoirs à eau d’Orléans, le viaduc d’accès au pont de Tancarville (1956-1958), les premières pistes précontraintes et les ponts de traversée routière d’Orly, …

Côté international, en 1946, l’entreprise coopère avec la Copanhia Nacional de Construçaos Civil et Hidraulicas pour la réalisation du Port du Galion au Brésil, qui débouche en 1950 à la création de la société « Empresas Campenon Bernard Estudos e Obras » qui édifie notamment le pont de Joazeiro (1950-53). Deux ans plus tard, une autre filiale voit le jour : Empresas Campenon Bernard de Colombia. En Afrique du Nord, plusieurs chantiers ont été livrés en Algérie, au Maroc et en Tunisie.

En 1958, Edmé Campenon abandonne ses fonctions de président-directeur général de l’entreprise. Il disparaît le 16 août 1962 à Neuilly-sur-Seine, deux mois après la mort d’Eugène Freyssinet.