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GAUTHEY Émiland

(1732 - 1806)

Le créateur du canal du Centre et bâtisseur de Saône-et-Loire.

Né à Chalon le 3 décembre 1732, Émiland Marie Gauthey est le fils de Pierre Gauthey un médecin de Chalon-sur-Saône, avocat et receveur au grenier à sel de Toulon-sur-Arroux, et de Louise Laffouge née à Chagny. Après ses études au collège des Jésuites de Chalon-sur-Saône, il est envoyé à Versailles, auprès de l’un de ses oncles, professeur de mathématiques à l’école des pages du Roi. Il poursuit sa formation auprès de l’architecte Gabriel Dumont. Brillant élève, il s’oriente vers l’architecture et intègre l’École Royale des Ponts et Chaussées.

Diplômé à 26 ans, il regagne Chalon-sur-Saône en obtenant le poste de sous-ingénieur dans l’arrondissement de Chalon, sous la direction de Thomas Dumorey. Gauthey œuvre alors à la construction de nombreux bâtiments tant à Chalon que dans les localités de son ressort.

En 1782, il devient ingénieur en chef des États de Bourgogne et s’installe à Dijon. Un an plus tard, en 1783, il est nommé directeur général des canaux de Bourgogne. Après avoir plaidé auprès des États de Bourgogne et du pouvoir Royal, pendant une bonne quinzaine d’années, la possibilité et la nécessité de construire un canal reliant la Loire à la Saône, il est chargé de l’exécution de ce canal dénommé d’abord canal du Charolais, puis canal du Centre.

Emiland Gauthey défend d’abord le tracé d’un canal qu’il avait imaginé entre Digoin et Chalon et écrit : « Le Charolais abonde en bois, produits du sol, charbon de terre, qui auront un grand débit si on peut les transporter par eau. Le Charolais possède aussi de nombreuses forges et plusieurs hauts-fourneaux, sans compter ceux projetés qui n’attendent qu’un moyen de transport à leur taille pour naître et prospérer ». Puis, grâce au support du prince de Condé, gouverneur de la province de Bourgogne, il réussit à convaincre les financiers de trouver les 10 millions de livres nécessaires à la réalisation de ce chantier gigantesque, et à résoudre l’ensemble des difficultés techniques d’un tel projet qui comportait :

  • 114 km de tranchées creusées pour relier Digoin à Chalon-sur-Saône ;
  • 80 écluses mises en place à la création du canal (il n’en reste plus que 64 après la modernisation du canal dans le cadre du plan Freycinet à la fin du XIXème siècle) ;
  • 71 ponts construits pour enjamber le canal ;
  • 3 rigoles creusées pour assurer l’alimentation en eau du canal ;
  • 68 maisons d’éclusiers.
Plaque sur la stèle en forme d’obélisque à la mémoire d’E. Gauthey à Longpendu (commune d’Ecuisses)

Depuis son quartier général de Bissey-sous-Cruchot, Gauthey fait chaque fin de mois un état des lieux très précis de la progression du canal et vérifie si la progression se fait normalement ou pas. La construction du canal est menée à bien en un temps record, de 1784 à 1793. Ce canal a favorisé l’industrialisation du département de Saône-et-Loire avec le développement des industries du Creusot et du bassin minier de Montceau, et est resté en fonctionnement pour le transport des marchandises durant plus de 150 ans.

Mais Emiland Gauthey réalise bien d’autres ouvrages dans le département de Saône-et-Loire. Sous son mandat d’ingénieur en chef des États de Bourgogne, ce ne sont pas moins de 13 ponts qui ont vu le jour avec la volonté de leur donner « une solidité à toute épreuve ». On peut ainsi citer :

 

 

L’ancien pont Saint-Laurent construit par E. Gauthey.
  • le pont de Gueugnon : achevé en 1787, ce pont enjambe l’Arroux en centre-ville. Il s’étale sur une longueur de plus de 60 mètres et 7,10 mètres de largeur. Particularité pour l’époque : il présente une pente unique de 1,91 mètre, cinq arches décroissantes et des voûtes en forme d’anses de panier, garnies de 21 caissons taillés par les carriers de Clessy. Ces blocs de pierre jouent le rôle de poutres et d’entretoises.
  • le pont de Navilly: construit sur le Doubs en 1786, il est classé monument historique depuis le 31 décembre 1946, et considéré comme la plus belle réalisation de Gauthey. Il s’agit d’un pont à 5 arches en anse de panier d’une longueur totale de 156 m.
  • l’élargissement du pont Saint-Laurent à Chalon-sur-Saône : entre 1785 et 1789, Emiland Gauthey élargit ce pont en maçonnerie à 5 arches qui acquiert la particularité d’avoir des avants becs et arrière becs en forme d’obélisques en pierre ; il est classé monument historique en 1926. Malheureusement, en 1944, à quelques heures de la Libération, les troupes allemandes font sauter les ponts de Chalon-sur-Saône dont le pont Saint-Laurent : celui-ci résiste plutôt bien et, partiellement détruit, il sera reconstruit en 1950 avec seulement 3 travées en béton armé et toujours des obélisques en témoignage à Gauthey.
  • Le Pont Gauthey ou pont de la Thalie à Châtenoy-le-Royal, Saône-et-Loire (71), le premier pont construit par Gauthey (1770) (10 m en 2 arches)
  • le Pont de Pierre sur le Ruisseau des Baulches, sur la RN6, dans l’Yonne (89), à Montreau : pont-route de 14 m (1781-1787)
  • le pont de Louhans sur la Seille (1782)
  • le Pont sur la Bourbince à Blanzy (1786 – 1789)
  • le Pont sur la Guyotte à Navilly : une seule arche de 12,70 m (1786 – 1789)
  • le Pont de Bellevesvre sur la Brenne: pont-route en arc de longueur totale 30 mètres (1787)
  • le pont des Chavannes (parfois nommé Pont des Echavannes) qui relie Chalon-sur-Saône à Saint-Marcel sur le faux-lit de la Saône ou « canal de décharge » (pont route à 7 arches surbaissés en anse de panier, achevé en 1790)

En outre, Emiland Gauthey participe à la construction de nombreux édifices dans le département de Saône-et-Loire, tels que l’hôpital de Chalon-sur-Saône, les églises de Barizey (1772-1786) et des Saints Apôtres Pierre et Paul à Givry (1771-1791), les hôtels de ville de Givry, Tournus (1771), Louhans et Bourbon-Lancy (1782), le théâtre de Chalon-sur-Saône, l’hôtel de Colmont-Fusselet à Chalon (aujourd’hui siège de la Maison du Patrimoine sur les quais de Saône), des murs et quais à Chalon-sur-Saône. Il apporta aussi son soutien à Soufflot qu’il avait rencontré lors de ses études dans l’atelier de Dumont, lorsque le fameux architecte du Panthéon (l’ancienne église Sainte Geneviève de Paris) fut critiqué sur la solidité des colonnes qui devaient soutenir le dôme.

En 1791, il est nommé Inspecteur Général des Ponts et Chaussées et s’installe à Paris. Il épouse à 60 ans sa cousine, Anne-Claude Gauthey, et adopte un petit neveu, Claude-Henri Navier, qui sera par la suite un mathématicien et ingénieur réputé du début du XIXe siècle. En 1801, il devient membre du conseil général des ponts et chaussées, puis vice-président de ce conseil en 1805.

Il est décoré de la Légion d’Honneur par Napoléon, alors encore Premier Consul, lors de la première promotion en 1804.

Il décède subitement le 14 juillet 1806 à Paris. Il a vraisemblablement été inhumé dans un cimetière parisien après son décès ; cependant, aucune trace ne subsiste de son lieu de sépulture. Malgré sa renommée, personne ne sait aujourd’hui où repose le corps de l’illustre bâtisseur bourguignon.