AFGC

CAMUS Raymond

(1911-1980)

Le Pape de la préfabrication lourde

 

Après des études au lycée du Havre, Raymond Camus entre à l’Ecole centrale des arts et manufactures, dont il sort diplômé en 1933. Sa vie professionnelle débute dans l’entreprise paternelle, son père ayant construit après la guerre de 1914-1918, le stade municipal, la piscine et un grand nombre d’habitations au Havre. De 1938 à 1942, il est ingénieur aux usines Citroën, chargé par Pierre Boulanger (directeur-gérant de l’Entreprise Citroën) de trouver des solutions aux problèmes de logements des ouvriers. En 1942, il entre dans l’entreprise de travaux publics Bancel & Choiset où il acquiert une solide expérience ; il mesure alors « l’abîme » qui sépare l’industrie automobile du monde du bâtiment, et envisage dès cette époque, d’« adapter à la construction d’immeubles, les principes de la fabrication industrielle, ou en d’autres termes, faire des maisons comme on fabrique des automobiles ».

Constatant que la préfabrication par petits éléments en vogue à l’époque est loin de donner les résultats attendus, Raymond Camus met alors au point un procédé de construction utilisant de grands panneaux porteurs préfabriqués en béton. Les panneaux comportent un cadre en béton armé munis d’un remplissage qui constitue l’élément principal de résistance. Les murs de façade sont constitués de deux panneaux séparés par un vide d’air dont le fractionnement peut être différent afin que l’aspect extérieur ne soit tributaire du cloisonnement intérieur. Le principe de désolidarisation des parois verticales est également appliqué aux éléments horizontaux dans le but d’accroître l’isolation phonique. Il conçoit aussi des panneaux qui contiennent déjà les enduits intérieurs, les revêtements extérieurs, les canalisations électriques et de chauffage.

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le secteur du bâtiment connaît en France un bouleversement sans précédent. Les besoins immenses de la Reconstruction, puis de la construction massive de grands ensembles de logements sont l’occasion de moderniser le secteur. En juin 1948, il dépose son brevet intitulé “Procédé de construction” qui va révolutionner la manière de concevoir les bâtiments. Trois avantages essentiels sont mis en avant par l’inventeur : la réduction au minimum des joints d’assemblage grâce à la taille importante des éléments, l’économie d’une ossature édifiée habituellement à l’avance, et une fabrication complète en usine garantissant une exécution optimale au point d’incorporer l’ensemble des équipements.

Un an à peine après le dépôt de la demande de brevet, le procédé Camus reçoit l’agrément provisoire du ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU) par décision n° 319 du 22 juin 1949. Il crée la société d’exploitation Raymond Camus & Cie. Un premier chantier expérimental est lancé la même année à l’occasion de la reconstruction du Havre ; il s’agit d’un petit immeuble d’habitation, situé à l’intérieur de l’îlot N17 du quartier du Perrey, dont la réalisation est confiée à l’architecte et ingénieur havrais Henri Loisel. Le procédé Camus est ensuite utilisé en 1951 à Strasbourg pour la réalisation d’un ensemble de 800 logements collectifs, puis à Saint-Germain-en-Laye pour un ensemble de 263 logements destinés à l’accueil des familles des militaires du quartier général suprême des Forces Alliées en Europe (SHAPE). Sept mois plus tard le chantier «Shape-Village» est totalement terminé : le général Eisenhower, commandant en chef du Shape, visitant les chantiers, lui serre vigoureusement la main et l’assure «qu’aux USA on n’aurait fait ni mieux ni plus vite». En 1952, plusieurs usines voient le jour en France : Douai, Forbach, Montesson, une à la Réunion qui exploitent le procédé Camus et produisent vingt logements par jour à un rythme qui atteint parfois celui de un logement à l’heure.

Raymond Camus présente à Vienne ses procédés de préfabrication. Il tient entre ses mains la photo de la cité Barhen construite pour les houillères du bassin de Lorraine. (© Archives Michel Camus)
Immeuble en construction au sein de l’ilôt 17 au Havre (76). Les ouvriers sont en train de coffrer un poteau d’angle de l’ossature - © Archives de Centrale Histoire

Plusieurs dizaines de pays mettent en œuvre le système Camus : Allemagne de l’Ouest, Algérie, Autriche, Belgique, Espagne… avec une mention spéciale pour l’URSS qui voulait produire deux millions de logements par an selon les objectifs fixés par le gouvernement Khrouchtchev et qui produisit sous licence Camus dans 300 usines ! Au milieu des années 1960, Raymond Camus détient six usines en France et 16 dans d’autres pays (Royaume-Uni, Allemagne, Italie, Russie et Algérie). La France fut ainsi pionnière dans le développement de la préfabrication lourde : outre le système Camus, plusieurs systèmes de préfabrication lourde français fleurirent aussi au niveau international, comme Coignet, Barets, Cauvet, Estiot, Tracoba, Balency (Balency et Schuhl). D’autre part, des dizaines de systèmes de préfabrication lourde et des méthodes de construction industrialisés furent développés dans le Royaume-Uni, l’Allemagne, les États-Unis, la Scandinavie et des pays d’Europe de l’Est ; ils se distinguaient le plus souvent entre eux par la composition des matériaux, le procédé de production et de durcissement, la succession de différentes couches au sein d’un même élément, les dimensions de l’élément et les connexions.

Toutefois, dans les années 1970, la préfabrication lourde connaît un déclin. Mais au total, le système Camus comptabilise, en 1977, plus de 350 000 logements réalisés dans 20 pays différents.

Entre 1948 et 1974, une quarantaine de brevets auront été déposés par Raymond Camus, pour la plupart signés de son seul nom et portant presque tous sur la fabrication ou la manutention de panneaux préfabriqués à base de béton armé.

Raymond Camus meurt à Paris le 24 janvier 1980.

Pour en savoir plus :