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FREYSSINET Eugène

(1879 - 1962)

Le génial inventeur de la Précontrainte

A sa sortie de l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées, Eugène Freyssinet est nommé en 1905 dans l’Allier où il construit plusieurs ponts dont le pont du Veurdre (1910) et le pont de Boutiron (1912). Pour étudier le système de décintrement des arcs de ces ponts et leurs déformations, Eugène Freyssinet construit à Moulins,  en 1908, une arche d’essai de 50 m de portée, dont les culées sont reliées par un tirant en béton précontraint qui constitue ainsi la première structure précontrainte au monde. La construction du pont du Veurdre est également l’occasion pour lui de découvrir en 1911 le phénomène de fluage du béton lorsqu’il doit intervenir en urgence pour relever la clé de l’arche centrale à l’aide de vérins pour éviter son effondrement.

Pendant la guerre 14-18, mobilisé comme capitaine à la Commission militaire du réseau du Nord, il continue néanmoins ses activités civiles et devient directeur des entreprises Mercier, Limousin et Cie. Ses nombreuses recherches lui permettent de mettre au point des cintres roulants, des voûtes à nervures au dessus et surtout il découvre la vibration du béton. Il achève en 1919 le pont de Villeneuve-sur-Lot (pont en arc de portée 96 m) et réalise des hangars d’aviation dont les remarquables hangars pour dirigeables à Orly (entre 1921 et 1923) , des halles industrielles dont celle de la grande aciérie de Caen.

Après guerre, il construit plusieurs ponts dont le pont de Tonneins sur la Garonne, le pont de Saint-Pierre-du-Vauvray (arc de 131 m de portée) sur la Seine et surtout, de 1926 à 1930, celui de Plougastel (pont en arc à tablier supérieur et à trois travées identiques de 186,40 m de portée, qui détient à l’époque le record du monde de portée) où il conforte ses connaissances sur les lois de la déformation différée du béton et met en oeuvre de nombreuses innovations techniques. Il continue à édifier de nombreux hangars et halles, dont en 1928 la halle des messageries de la gare d’Austerlitz inscrite au titre des monuments historiques le 23 février 2012, et dénommée « la Halle Freyssinet » qui abrite aujourd’hui la Station F.

Intéressé par la précontrainte du béton, il décide de quitter en 1928 les entreprises Limousin pour mener à bien ses recherches. Il dépose en 1929 un premier brevet décrivant le principe de précontrainte. Il fabrique alors des pièces en béton précontraintes par fils adhérents (notamment des poteaux électriques) et, en 1933, consolide à l’aide du principe de précontrainte la gare maritime du Havre qui se tasse sur elle-même et menace de s’effondrer. Il acquiert ainsi la notoriété. En 1936, il réalise au barrage des Portes-de-Fer sur l’Oued Fodda en Algérie, un radier, des piles, des culées, des conduites, des vannes précontraintes et un pont de service qui est le (premier pont en béton précontraint au monde (poutres de 19 m de portée). En 1939 , il dépose le brevet de l’ancrage à cône en béton fretté et du vérin de mise en tension des armatures de précontrainte.

E. Campenon lui ayant proposé en 1935 de devenir concessionnaire des procédés Freyssinet, il réalise alors avec cette entreprise plusieurs gros ouvrages, comme la surélévation du barrage de Beni-Bahdel, avec mise en précontrainte par les vérins plats qu’il a inventés en 1935, et les caissons de fondation du quai des Flottilles à Brest.

Pendant la seconde guerre mondiale, il crée la Société Technique pour l’Utilisation de la Précontrainte (STUP), et édifie plusieurs ponts en France : les ponts-dalles d’Elbeuf-sur-Andelle (1942) et de Longroy-sur-la-Bresle (1943), la passerelle de Bully-Grenay (1945) et surtout les six fameux ponts à béquille sur la Marne dont le pont de Luzancy (préfabrication intégrale, précontrainte tridimensionnelle, réglage des réactions d’appui possible au cours du temps – 1946) qui détiendra le record du monde de longueur de pont en béton précontraint. Après la guerre il construit également des ouvrages remarquables tant en France qu’à l’étranger : les réservoirs d’Orléans (1948), la tranchée couverte précontrainte de Rouen (longueur 1650 m – 1950), les 3 viaducs pour l’autoroute de Caracas à La Guaira (1951-53), la réparation de la couverture de la station radio Europe 1 du Felsberg (1955), la basilique souterraine de Lourdes (1956), le pont très esthétique au dessus de la RN7 à Orly (1958), ou encore le pont Saint-Michel à Toulouse (1959-62). Jusqu’à sa mort, il déploiera une intense activité.

Président d’honneur de la Fédération internationale de la précontrainte, ingénieur-conseil de la STUP et des entreprises Campenon-Bernard, il sera également nommé inspecteur général honoraire des Ponts et Chaussées.