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Viaduc de Souzain (1903-1904)
Viaduc de Souzain à Saint-Brieuc, par Émile Hamonic, Claude_villetaneuse (scanner), via Wikimedia Commons, domaine public.
Le viaduc de Souzain a été conçu et construit par Louis Harel de la Noë entre les villes de Saint-Brieuc et Plérin dans la vallée du Gouët sur la ligne de Saint-Brieuc à Plouha dans les Côtes-du-Nord (aujourd’hui Côtes-d’Armor). Cette ligne, d’une trentaine de kilomètres, longe la côte par Binic et Saint-Quay-Portrieux et fait partie du premier réseau des chemins de fer des Côtes-du-Nord. Sur cette ligne, l’ingénieur breton construit des boulevards extérieurs à flanc de côteau (nommés boulevards Sévigné et Harel de la Noë) et plus d’une douzaine d’ouvrages d’art en plus du viaduc de Souzain, dont le pont de Gouédic, le pont de Rohannec’h, le viaduc de Grognet, le viaduc du Parfond de Gouët, le viaduc du Chien Noir ou le viaduc de Beaufeuillage.
Le viaduc de Souzain est construit en régie directe (Harel de la Noë dirige lui-même la construction ce qui permet un abaissement des prix). Il est composé d’un viaduc principal long de 210 m comportant 23 arches, un ouvrage d’accès à celui-ci, côté Plérin de 56 m de longueur composé de 9 travées droites et d’un ouvrage secondaire qui se sépare de l’ouvrage principal à 215.50 m de l’origine rive droite (côté Saint-Brieuc) et qui supporte la ligne reliant Saint-Brieuc au Légué. Cet ouvrage secondaire a une longueur de 47 m.
A sa construction cet ouvrage complexe et imposant est large de 10,80 m entre garde-corps et a une hauteur maximum au-dessus des fondations de 33 m. C’est le plus important de tous les ouvrages du réseau conçu par Harel de la Noë.
Les travaux débutent au cours de l’été 1903 par les fondations puis l’édification des piles, depuis le côté Saint-Brieuc, vers le côté Plérin. Après l’élévation du second niveau des piles, les arches, le tablier et les trottoirs sont construits en 1904. En décembre 1904, les rails et le ballast sont posés.
Sur le premier niveau de l’ouvrage principal, les piles sont en maçonnerie et sont réunies par deux anneaux de voûtes surbaissées au 1/7ème. Elles ont une largeur de 1,90 m et une longueur de 8,80 m pour une hauteur d’environ 10 m. La section a une forme de H ce qui permet de réduire le volume de matériaux. Tous les deux mètres environ, un chaînage en béton armé est coffré par deux rangées de briques apparentes. Au-dessus du contreventement par les anneaux de voûtes surbaissées, un socle en béton armé est réalisé pour recevoir le deuxième niveau : au-dessus de chaque pile, huit pilettes constituent le deuxième niveau du viaduc. Chaque pilette est réalisée en béton armé (armature constituée de huit fers ronds de 20 mm) et mesure 0,6×0,6 m² pour 9,55 m de haut. Elles sont parementées en briques bicolores. Des cornières métalliques en forme de croix de Saint-André relient les pilettes et les contreventent. Au-dessus des pilettes, un sommier en béton armé permet de recevoir quatre anneaux de voûtes surbaissées en maçonnerie.
Crédit photo : Armelle Ouvrat – Sous licence Creative Commons
(département des Côtes d’Armor)
Le viaduc en construction
Crédit photo : Armelle Ouvrat – Sous licence Creative Commons
(département des Côtes d’Armor)
Le viaduc en construction
Vingt-trois arches sont ainsi édifiées sur l’ouvrage principal. La distance entre axes est de 9 m, l’ouverture est de 7,10 m et la flèche est de 1,60 m.
Sur la rive gauche (côté Plérin), le viaduc d’accès comporte neuf travées droites en béton armé de 5,10 m entre axes. Les piles en maçonnerie mesurent 1,10×0,90 m². L’ouvrage secondaire, vers le Légué, comporte 8 arches plein cintre de 4 m d’ouverture (soit 5,10 m entre axes).
Le viaduc de Souzain a passé les épreuves par poids mort le 14 janvier 1905 (20 tonnes sur la treizième voûte) et le 17 janvier du même mois (wagon chargé de 16 tonnes puis 18 tonnes au niveau de la première voute) permettant l’épreuve par poids roulant qui s’est tenue le 30 mai 1905.
Des travaux d’élargissement du tablier pour disposer de 8,80 m hors trottoirs sont réalisés en 1934. En 1954, des travaux pour rigidifier et renforcer les pilettes sont menés ; une inspection par nacelle montre des piles fissurées et des contreventements corrodés. Les contreventements métalliques sont alors remplacés par des contreventements en béton armé.
La ligne de Saint-Brieuc à Plouha ferme le 31 décembre 1958. Après la fermeture du trafic ferroviaire, le viaduc de Souzain est utilisé pour le trafic automobile.
L’inspection détaillée de l’ouvrage les 18 et 19 mai 1976 révèle de nombreuses fissures, notamment au niveau des pilettes et met en évidence la nécessité de travaux au niveau des voûtes, des potelets, des sommiers, des pilettes, des encorbellements. L’évolution des désordres s’accélère ce qui conduit, en 1985, à assurer le suivi des fissures verticales sur les pilettes. En 1990, l’augmentation importante des désordres est confirmée et le viaduc est fermé à la circulation le 21 décembre 1992.
En sa séance du 21 décembre 1993, la commission régionale du patrimoine historique, archéologique et ethnologique (COREPHAE) délibère sur les critères patrimoniaux justifiant une protection du viaduc de Souzain au titre des Monuments Historiques. Le préfet de région signe l’arrêté d’inscription à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques le jour-même.
Moins de deux ans après cette inscription, la démolition du viaduc est actée fin mai 1995 et le Premier Ministre Alain Juppé autorise sa destruction le 9 juin. Des pelles commencent la démolition de la partie côté Plérin le 13 juin. Le 27 juin, à 16h, le viaduc de Souzain est dynamité.
Pour en savoir plus
- F. Lépine (dir.), « Louis Harel de la Noë (1852 – 1931), un grand ingénieur breton », Presses de l’Ecole des ponts et chaussées, 2003, 310p.
- G. Le Louarn-Plessix, « Les voix du rail », un hommage à Louis Harel de La Noë (1852-1931), l’ingénieur-architecte des Côtes-du-Nord, Société d’Histoire et d’Archéologie de Bretagne, 2012, pp 393-414.
- Association pour la Mémoire et la Notoriété d’Harel de la Noë (AMENO), « Le viaduc de Souzain », cahier AMENO n°6, 27 juin 2005, 92p.