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Viaduc des Rochers Noirs (ou de Roche-Taillade)

Pour désenclaver une région et après de nombreux projets envisagés, le tracé du futur « Transcorrézien » est adopté par les élus locaux. Le décret d’application est finalement publié au Journal Officiel le 30 avril 1908. Un des plus importants chantiers de France est alors lancé en Corrèze pour 3 lignes ferroviaires dont la plus importante est celle qui va relier Tulle à Ussel sur 101 km permettant ainsi de desservir les campagnes traversées.

Sur cette ligne, il faut franchir les gorges de la Luzège entre Lapleau et Soursac. C’est ainsi que le chantier du viaduc des Rochers Noirs est lancé. Il s’agit d’un des plus spectaculaires ouvrages d’art jamais réalisé en Corrèze. Il est classé monument historique le 6 décembre 2000.

Construit entre 1911 et 1913 par la société Ferdinand Arnodin, Il sera utilisé par le tramway de la Corrèze, surnommé le tacot, jusqu’au 31 décembre 1959. Cette fermeture de la ligne est provoquée par la concurrence des transports routiers mais aussi une incapacité chronique à la rentabilité. Le pont devient routier et il est emprunté par la route départementale D89 jusqu’en 1983. À partir de cette date, le viaduc est réservé aux piétons. Au fil du temps, l’ouvrage se dégrade et nécessite sa fermeture totale en 2005. 

Suite au regain d’intérêt pour ce patrimoine exceptionnel que représente cet ouvrage érigé avec la technique de l’ingénieur Albert Gisclard, d’importants travaux sont actuellement engagés par le conseil départemental de la Corrèze. Les travaux de restauration débuté en mars 2023 devraient se terminer à l’été 2024.  Ce monument historique restauré offrira alors des vues spectaculaires aux piétons et cyclistes, dans un cadre naturel grandiose.

La conception :

L’ouvrage est conçu suivant le brevet déposé par Albert Gisclard, ingénieur et commandant du Génie, en 1900. Son concept de système de câbles en triangulation a donné toute satisfaction sur la ligne du train jaune en Cerdagne pour le pont de la Cassagne réalisé entre 1906 et 1908.

Le Viaduc des Rochers Noirs est aujourd’hui un type d’ouvrage rare puisque seuls 5 ponts en France métropolitaine et 1 en Nouvelle Calédonie (sur les 41 construits avec ce modèle à travers le monde) existent encore.

Le viaduc des Rochers Noirs est un pont suspendu dont la rigidité nécessaire au passage d’une voie ferrée est obtenue par un système de câbles dont certains sont inclinés pour augmenter la rigidité. Le tablier métallique, conçu comme une poutre continue, est suspendu sous la structure par des « tiges » verticales.
Pour réduire encore plus les déformations, la structure des câbles est complétée par la suspension Ordish qui permet d’atténuer notablement la variation de la flèche, et réduit dans une proportion appréciable l’abaissement du tablier.

Pour agrandir les plans du viaduc, cliquer ici.

Particularité de l’ouvrage

Le rocher sur chaque rive étant solide il est décidé de l’utiliser comme massif d’ancrage des câbles porteurs. A cette fin, des galeries semi-circulaires sont creusées dans la roche. Elles sont contournées par les câbles à profondeur suffisante pour que le cube de rocher résistant se trouve surabondant.

La Réalisation : * Piles et culées

Piles et culées sont réalisées en maçonnerie avec des pierres en granite provenant d’une carrière locale. En septembre 1911, la construction des piles commencent. Des terrassiers et maçons défient les lois de l’équilibre pour monter les deux piles. Elles sont assises sur le rocher granitique du talweg qui est très incliné, mais pas sur la même courbe de niveau. Chaque pile est assise sur une série de redans permettant de faire disparaître les plans de glissement et de placer la base sur des surfaces  horizontales. Pour desservir les chantiers simultanément sur les deux rives on utilise un télécharge (système Arnodin) d’une portée de 172 mètres. Ce dispositif servira également à la mise en place des câbles porteurs.

La pile côté Soursac est haute de 53,71 m ; celle du côté Lapleau de 41,71 m. Au niveau du tablier, chaque pile évidée, se divise en deux pilastres surmontés d’un couronnement et d’un dé en pierre de taille de granite, sur lequel viennent s’appuyer les chariots de dilatation auxquels sont attachés les fermes de suspension et les câbles de retenue du pont.

* Tablier

Le viaduc n’est pas entièrement fabriqué sur place. L’ossature du tablier est tout d’abord montée à blanc à Châteauneuf-sur-Loire, dans les ateliers de la société Arnodin. Elle est ensuite démontée et les pièces sont numérotées. Elles sont ensuite acheminées par train jusqu’à Égletons, puis mises dans des chariots tirés par des chevaux jusqu’à Lapleau par la route. Les pièces sont ensuite rivées à chaud sur place, avec une forge mobile. 

Pour la mise en place de la charpente en acier, un chariot spécial comportant un treuil, des échelles en cordes d’acier, un garde-fou, circule au moyen de quatre paires de galets sur les câbles Ordish.

Entre approvisionnement des matériaux, édification des piles jusqu’à 124 m au-dessus du vide, lancement des 158 m du tablier dominant la rivière de 92 m et la pose des câbles, le chantier du viaduc de 140 m de portée se termine en mai 1913.

Le 8 mai 1913 le viaduc subit des essais en charge. Des locomotives de 25 tonnes passent sur le pont, remorquant des wagons avec des charges croissantes. Le dernier train est composé de deux locomotives de 25 tonnes attelées chacune d’un tender et cinq wagons chargés de 13,5 tonnes chacun.

Le 11 septembre 1913 le viaduc des Rochers Noirs est inauguré par le Président de la République, Raymond Poincaré, qui a pris place dans une voiture du réseau du chemin de fer corrézien à voie métrique, aujourd’hui disparu.

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